Le prix du maïs américain s’envole. Fin Juillet, il dépassait pour la première fois de son histoire le seuil de 250 € la tonne, instaurant un contexte mondial radicalement nouveau en matière de prix des denrées alimentaires. La flambée des prix agricoles qui découle de cette dégradation aura des conséquences désastreuses à court, moyen et long terme. Il est urgent de repenser les politiques agricoles et alimentaires du global au local.
Nous sommes aujourd’hui très loin des prévisions de début d’année du Département d’Etat de l’Agriculture (USDA). Ce printemps, les agriculteurs américains avaient planté quelques 39 millions d'hectares de maïs et la précocité de la saison laissait penser que la récolte maïs 2012 serait exceptionnelle. En juin, les prévisions dépassaient 375 millions de tonnes et, en toute logique cette abondance devait faire chuter les cours. Mais, ce sont en fait la chaleur et la sécheresse qui ont constitué cet été un record historique aux Etats Unis, générant des dommages aux cultures particulièrement alarmants. Fin juillet l’USDA ramenait ses prévisions à 330 millions de tonnes de maïs, en baisse de 12 %. Les dernières estimations laissent penser que la récolte serait en retrait de 30% par rapport au chiffre de juin.
Parce que le maïs américain représente 40 % de la production mondiale, cet effondrement de la production aura des effets désastreux dans le monde entier. Des trois principales céréales cultivées dans le monde, le maïs est la plus importante, totalisant près de 900 millions de tonnes, comparé au blé qui atteint 700 millions et au riz qui culmine à 460 millions. Si le blé et le riz sont des aliments de base pour l’homme, le maïs est principalement utilisé pour l’alimentation animale. Indirectement, une part très importante de l’alimentation humaine - la viande, les œufs, le lait, les produits laitiers et les fromages – est aussi à base de maïs. La hausse des prix du maïs va donc générer d’importante augmentation des prix de la plupart des produits alimentaires.
Cet « accident » américain suscite plusieurs commentaires.
Parce que le maïs américain représente 40 % de la production mondiale, cet effondrement de la production aura des effets désastreux dans le monde entier. Des trois principales céréales cultivées dans le monde, le maïs est la plus importante, totalisant près de 900 millions de tonnes, comparé au blé qui atteint 700 millions et au riz qui culmine à 460 millions. Si le blé et le riz sont des aliments de base pour l’homme, le maïs est principalement utilisé pour l’alimentation animale. Indirectement, une part très importante de l’alimentation humaine - la viande, les œufs, le lait, les produits laitiers et les fromages – est aussi à base de maïs. La hausse des prix du maïs va donc générer d’importante augmentation des prix de la plupart des produits alimentaires.
Cet « accident » américain suscite plusieurs commentaires.
Premièrement, il met en évidence la mondialisation extrême des marchés agricoles et la dépendance des prix alimentaires à ces marchés, qui comme ceux du pétrole ou d’autres matières premières, subissent des pressions spéculatives considérables. Le déficit de la production américaine intervient au moment où les stocks mondiaux de céréales sont déjà très bas. Il y a une quinzaine d’années, ces stocks se situaient à environ 100 jours de consommation mondiale. Ils pourraient tomber prochainement à moins de 65 jours.
Dans ce contexte certains pays producteurs, comme la Russie et l'Argentine, pourraient restreindre leurs exportations pour renforcer leur position sur le marché. S’en suivrait une probable panique des importateurs, et des augmentations considérables des prix alimentaires sur le court terme. A moyen terme, on verra ces pays importateurs renforcer leurs efforts pour prendre le contrôle de terres agricoles en dehors de leurs frontières, comme on le constate depuis quelques années en Afrique de l’Ouest, où les investisseurs chinois multiplient les acquisitions foncières dans la vallée du fleuve Sénégal ou dans le delta du Niger au Mali. Nous sommes, d’ors et déjà, dans une guerre mondiale pour le contrôle de la production de céréales.
Dans ce contexte certains pays producteurs, comme la Russie et l'Argentine, pourraient restreindre leurs exportations pour renforcer leur position sur le marché. S’en suivrait une probable panique des importateurs, et des augmentations considérables des prix alimentaires sur le court terme. A moyen terme, on verra ces pays importateurs renforcer leurs efforts pour prendre le contrôle de terres agricoles en dehors de leurs frontières, comme on le constate depuis quelques années en Afrique de l’Ouest, où les investisseurs chinois multiplient les acquisitions foncières dans la vallée du fleuve Sénégal ou dans le delta du Niger au Mali. Nous sommes, d’ors et déjà, dans une guerre mondiale pour le contrôle de la production de céréales.
Deuxièmement, la part croissante de la population mondiale qui changent progressivement de régime alimentaire en consommant de plus en plus de protéines animales, va se trouver brutalement confrontée à l’augmentation très forte des prix de la viande, des produits laitiers, des œufs et de la volaille. Il va sans dire que cette augmentation sera beaucoup plus rapide que celle de leurs revenus. Ces nouveaux consommateurs de protéines animales seront logiquement tentés de revenir à leurs régimes antérieurs, déstabilisant d’autant le développement des productions animales qui étaient à la hausse dans le monde entier.
Troisièmement, constatant que lorsque le prix de l'une des trois grandes céréales monte, les prix des deux autres suivent de manière quasiment symétrique, ce sont, à nouveau les plus pauvres dans le monde entier qui vont se trouver exposer à la faim. En effet la hausse actuelle des prix du maïs intervient à un moment où les prix des céréales étaient déjà élevés : il avaient, avant l’été, doublé par rapport à leur niveau de 2005.
Enfin, il est quasiment certain que cette dégradation des stocks mondiaux et ses conséquences en terme de flambée des prix agricoles, s’installent dans la durée. Du fait du dérèglement climatique, les vagues de chaleur et des sécheresses, comme celle de 2012 aux Etats-Unis, seront de plus en plus fréquentes.
Il est donc plus qu’urgent de repenser dans un même élan nos politiques agricoles, nos politiques alimentaires et nos efforts pour lutter contre le réchauffement climatique. En l’absence de changements radicaux, notre monde sera de plus en plus instable et par conséquent de moins en moins vivable.
Interview donnée le 22 mai à Claire Avignon de l'Agence AEF Développement Durable
La composition du gouvernement est « favorable » à la transition énergétique prônée par François Hollande lors de sa campagne présidentielle, juge Bruno Rebelle, dirigeant de la société de conseil Transitions, auprès d'AEF Développement durable, lundi 21 mai 2012. L'ancien dirigeant de Greenpeace et conseiller environnement de Ségolène Royal en 2007, avait d'abord exprimé des réserves quant à la nomination comme Premier ministre de Jean-Marc Ayrault (AEF n°13725). Toutefois, il considère que les nominations de Nicole Bricq (Écologie, Développement durable et Énergie) et de Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement) sont des « signes positifs » de même que celles de Pierre Moscovici à Bercy, de Pascal Canfin au Développement ou encore d'Aurélie Filippetti à la Culture.
AEF : Comment définiriez-vous la « transition énergétique » que souhaitent mettre en oeuvre le président de la République François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault?
Bruno Rebelle : C'est avant toute chose sortir de la dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz…) et fissiles. Ces énergies présentent des risques pour les court, moyen, et long termes. L'accent doit être mis sur la sobriété et sur l'efficacité. Une fois ces efforts réalisés, la France aura un volume de besoins énergétiques moins important. Elle pourra alors engager la transition vers un modèle avec très peu de risques. Mais pour opérer cette transition, il faudra absolument travailler au plus près des citoyens. Je rappelle que 50 % de la consommation énergétique est liée aux actes quotidiens : se loger, se chauffer, se déplacer…
AEF : Dans un texte publié dans « La Tribune » du 23 mars, vous insistez, avec les député PS François Brottes et Alain Rousset, sur l'importance de la décentralisation en matière d'énergie.
Bruno Rebelle : La décentralisation est un instrument nécessaire pour optimiser cette transition. Les collectivités locales sont les mieux placées pour mettre en oeuvre cette transition, notamment pour l'étape de développement des capacités de production d'origine renouvelable. Il faudra utiliser une multitude de ressources, l'éolien, le solaire, le photovoltaïque (au sol, sur les toits…), l'hydroélectricité, la géothermie (profonde, peu profonde), etc. Pour cela, il sera nécessaire d'être au plus près du potentiel des territoires et de sortir du modèle des grosses unités centralisées. Les régions seront particulièrement bien placées grâce à leurs compétences en matière de développement économique et de formation professionnelle.
AEF : Sont-elles prêtes?
Bruno Rebelle : Non seulement elles sont prêtes, mais elles le demandent depuis longtemps, avec l'acte III de la décentralisation qu'elles appellent de leur voeu.
AEF : Plus globalement, François Hollande souhaite la « transition écologique »? Que signifie-t-elle ?
Bruno Rebelle : En prenant modèle sur la transition énergétique, il s'agit de diminuer les consommations et d'optimiser les usages des ressources qui sont limitées sur la planète, en développant une agriculture avec moins de consommation d'intrants, et qui optimise les liens entre les territoires, en travaillant sur l'ensemble du cycle de vie des produits, en optimisant toutes les étapes de production de l'amont à l'aval.
AEF : Comment le gouvernement peut-il intervenir ?
Bruno Rebelle : L'une des mesures importantes sera une réforme fiscale radicale. Il faut prendre le problème à la racine, que la fiscalité pèse sur les ressources plutôt que sur le travail. Nous devons donner leur vraie valeur aux produits en intégrant leur impact sur l'environnement.
Une autre réforme importante sera celle du système de gestion des déchets. Une réforme de fond d'Eco-Emballages est nécessaire, afin que les acteurs aient intérêt à diminuer leur consommation de ressources.
AEF : Où en sera-t-on de ces transitions à la fin du quinquennat ?
Bruno Rebelle : La transition énergétique dans un pays comme la France va prendre quinze à vingt ans. Il faut donc s'y mettre le plus vite possible. Le premier temps sera celui du débat, de la pédagogie. Il devrait prendre environ un an. Le débat devra être vaste, il ne s'agira pas de se prononcer pour ou contre le nucléaire, mais de définir la transition énergétique. Il faudra faire comprendre qu'il n'y a pas de solution sans certaines nuisances, alors que pendant longtemps, on a fait croire le contraire.
AEF : Quelle sera la phase suivante?
Bruno Rebelle : Il faudra arbitrer entre les différentes solutions et les différentes nuisances qui y sont liées. Cette phase de construction des arbitrages devrait également prendre un an. Elle ne devra pas être menée par les directeurs de l'administration centrale, ce sera aux citoyens d'affirmer ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas. Même si, au final, les ministres trancheront.
AEF : Dans cette perspective, comment analysez-vous la composition du gouvernement?
Bruno Rebelle : Elle est plutôt favorable à la prise en compte de ces enjeux. L'énergie est redevenue une compétence du ministère de l'Écologie. Nicole Bricq pourra porter le débat avec l'envergure avec laquelle il doit être porté. De plus, elle connaît bien les questions de fiscalité.
Quant au périmètre du portefeuille de Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement), il est intelligent, car il permet de traiter le court, le moyen, et le long terme.
AEF : Est-ce suffisant?
Bruno Rebelle : Vous avez d'autres signes positifs : Pierre Moscovici [ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur] a beaucoup progressé sur ces questions ces dernières années. Il y a la création d'un ministère de l'Économie sociale et solidaire, d'un ministère du Développement. Pascal Canfin (EELV) pourra ainsi croiser les enjeux environnementaux avec ceux du développement. Or, la transition énergétique, c'est favoriser l'autonomie des territoires, y compris à l'étranger. Les énergies renouvelables seront les énergies de la paix.
Il y aura également Aurélie Filippetti à la Culture qui pourra porter les questions environnementales, ou encore Vincent Peillon qui pourra insister sur l'éducation à l'environnement. Ce sont des gens bien préparés.
AEF : Nicole Bricq est neuvième dans le rang protocolaire. Lors des précédents gouvernements, Jean-Louis Borloo était le numéro deux, Nathalie Kosciusko-Morizet numéro quatre.
Bruno Rebelle : Il faut voir ce qu'on fait du rang ! Nathalie Kosciusko-Morizet était certes numéro quatre, mais elle est partie six mois avant la fin du quinquennat. Cela montre bien l'intérêt de l'ancienne majorité pour le sujet… Tout cela était factice.
AEF : En 2007, les ONG étaient arrivées en position de force lors du Grenelle de l'environnement, grâce au pacte de Nicolas Hulot et à la création de l'Alliance pour la planète. Comment analysez-vous leur poids en 2012?
Bruno Rebelle : C'est grâce à la détermination des ONG que les questions de transitions énergétique et écologique sont devenues incontournables. Ce qui est dommage, c'est qu'elles n'ont pas réussi à faire comprendre que le développement durable est une stratégie de sortie de crise. Elles peuvent encore reprendre la main sur cette partie du débat.
AEF : La transition énergétique peut-elle se faire sans taxe carbone?
Bruno Rebelle : Mettre une vraie valeur sur les produits et prendre en compte leur impact sur l'environnement passe par une contribution climat-énergie, terme que je préfère à taxe carbone. Il faut qu'on apprenne à payer le vrai prix des choses. L'idée de relancer le débat au niveau européen est une bonne chose, mais la France pourrait prendre l'initiative de mettre en place rapidement une taxe en France. On peut espérer que le rapport de forces évolue.
AEF : Quel peut être le rôle des entreprises dans cette transition?
Bruno Rebelle : La question du reporting et de la gouvernance est importante. Il faut une meilleure représentation des parties prenantes internes dans les conseils d'administration, et que les parties prenantes externes y aient accès. Elles doivent également avoir plus de moyens pour agir. Quant au reporting, il faut être sérieux : ce n'est pas une contrainte énorme pour les entreprises ! Et quand elles le font sérieusement, elles gagnent en productivité, car elles voient des choses qu'elles ne pouvaient pas voir auparavant.
AEF : Comment définiriez-vous la « transition énergétique » que souhaitent mettre en oeuvre le président de la République François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault?
Bruno Rebelle : C'est avant toute chose sortir de la dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz…) et fissiles. Ces énergies présentent des risques pour les court, moyen, et long termes. L'accent doit être mis sur la sobriété et sur l'efficacité. Une fois ces efforts réalisés, la France aura un volume de besoins énergétiques moins important. Elle pourra alors engager la transition vers un modèle avec très peu de risques. Mais pour opérer cette transition, il faudra absolument travailler au plus près des citoyens. Je rappelle que 50 % de la consommation énergétique est liée aux actes quotidiens : se loger, se chauffer, se déplacer…
AEF : Dans un texte publié dans « La Tribune » du 23 mars, vous insistez, avec les député PS François Brottes et Alain Rousset, sur l'importance de la décentralisation en matière d'énergie.
Bruno Rebelle : La décentralisation est un instrument nécessaire pour optimiser cette transition. Les collectivités locales sont les mieux placées pour mettre en oeuvre cette transition, notamment pour l'étape de développement des capacités de production d'origine renouvelable. Il faudra utiliser une multitude de ressources, l'éolien, le solaire, le photovoltaïque (au sol, sur les toits…), l'hydroélectricité, la géothermie (profonde, peu profonde), etc. Pour cela, il sera nécessaire d'être au plus près du potentiel des territoires et de sortir du modèle des grosses unités centralisées. Les régions seront particulièrement bien placées grâce à leurs compétences en matière de développement économique et de formation professionnelle.
AEF : Sont-elles prêtes?
Bruno Rebelle : Non seulement elles sont prêtes, mais elles le demandent depuis longtemps, avec l'acte III de la décentralisation qu'elles appellent de leur voeu.
AEF : Plus globalement, François Hollande souhaite la « transition écologique »? Que signifie-t-elle ?
Bruno Rebelle : En prenant modèle sur la transition énergétique, il s'agit de diminuer les consommations et d'optimiser les usages des ressources qui sont limitées sur la planète, en développant une agriculture avec moins de consommation d'intrants, et qui optimise les liens entre les territoires, en travaillant sur l'ensemble du cycle de vie des produits, en optimisant toutes les étapes de production de l'amont à l'aval.
AEF : Comment le gouvernement peut-il intervenir ?
Bruno Rebelle : L'une des mesures importantes sera une réforme fiscale radicale. Il faut prendre le problème à la racine, que la fiscalité pèse sur les ressources plutôt que sur le travail. Nous devons donner leur vraie valeur aux produits en intégrant leur impact sur l'environnement.
Une autre réforme importante sera celle du système de gestion des déchets. Une réforme de fond d'Eco-Emballages est nécessaire, afin que les acteurs aient intérêt à diminuer leur consommation de ressources.
AEF : Où en sera-t-on de ces transitions à la fin du quinquennat ?
Bruno Rebelle : La transition énergétique dans un pays comme la France va prendre quinze à vingt ans. Il faut donc s'y mettre le plus vite possible. Le premier temps sera celui du débat, de la pédagogie. Il devrait prendre environ un an. Le débat devra être vaste, il ne s'agira pas de se prononcer pour ou contre le nucléaire, mais de définir la transition énergétique. Il faudra faire comprendre qu'il n'y a pas de solution sans certaines nuisances, alors que pendant longtemps, on a fait croire le contraire.
AEF : Quelle sera la phase suivante?
Bruno Rebelle : Il faudra arbitrer entre les différentes solutions et les différentes nuisances qui y sont liées. Cette phase de construction des arbitrages devrait également prendre un an. Elle ne devra pas être menée par les directeurs de l'administration centrale, ce sera aux citoyens d'affirmer ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas. Même si, au final, les ministres trancheront.
AEF : Dans cette perspective, comment analysez-vous la composition du gouvernement?
Bruno Rebelle : Elle est plutôt favorable à la prise en compte de ces enjeux. L'énergie est redevenue une compétence du ministère de l'Écologie. Nicole Bricq pourra porter le débat avec l'envergure avec laquelle il doit être porté. De plus, elle connaît bien les questions de fiscalité.
Quant au périmètre du portefeuille de Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement), il est intelligent, car il permet de traiter le court, le moyen, et le long terme.
AEF : Est-ce suffisant?
Bruno Rebelle : Vous avez d'autres signes positifs : Pierre Moscovici [ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur] a beaucoup progressé sur ces questions ces dernières années. Il y a la création d'un ministère de l'Économie sociale et solidaire, d'un ministère du Développement. Pascal Canfin (EELV) pourra ainsi croiser les enjeux environnementaux avec ceux du développement. Or, la transition énergétique, c'est favoriser l'autonomie des territoires, y compris à l'étranger. Les énergies renouvelables seront les énergies de la paix.
Il y aura également Aurélie Filippetti à la Culture qui pourra porter les questions environnementales, ou encore Vincent Peillon qui pourra insister sur l'éducation à l'environnement. Ce sont des gens bien préparés.
AEF : Nicole Bricq est neuvième dans le rang protocolaire. Lors des précédents gouvernements, Jean-Louis Borloo était le numéro deux, Nathalie Kosciusko-Morizet numéro quatre.
Bruno Rebelle : Il faut voir ce qu'on fait du rang ! Nathalie Kosciusko-Morizet était certes numéro quatre, mais elle est partie six mois avant la fin du quinquennat. Cela montre bien l'intérêt de l'ancienne majorité pour le sujet… Tout cela était factice.
AEF : En 2007, les ONG étaient arrivées en position de force lors du Grenelle de l'environnement, grâce au pacte de Nicolas Hulot et à la création de l'Alliance pour la planète. Comment analysez-vous leur poids en 2012?
Bruno Rebelle : C'est grâce à la détermination des ONG que les questions de transitions énergétique et écologique sont devenues incontournables. Ce qui est dommage, c'est qu'elles n'ont pas réussi à faire comprendre que le développement durable est une stratégie de sortie de crise. Elles peuvent encore reprendre la main sur cette partie du débat.
AEF : La transition énergétique peut-elle se faire sans taxe carbone?
Bruno Rebelle : Mettre une vraie valeur sur les produits et prendre en compte leur impact sur l'environnement passe par une contribution climat-énergie, terme que je préfère à taxe carbone. Il faut qu'on apprenne à payer le vrai prix des choses. L'idée de relancer le débat au niveau européen est une bonne chose, mais la France pourrait prendre l'initiative de mettre en place rapidement une taxe en France. On peut espérer que le rapport de forces évolue.
AEF : Quel peut être le rôle des entreprises dans cette transition?
Bruno Rebelle : La question du reporting et de la gouvernance est importante. Il faut une meilleure représentation des parties prenantes internes dans les conseils d'administration, et que les parties prenantes externes y aient accès. Elles doivent également avoir plus de moyens pour agir. Quant au reporting, il faut être sérieux : ce n'est pas une contrainte énorme pour les entreprises ! Et quand elles le font sérieusement, elles gagnent en productivité, car elles voient des choses qu'elles ne pouvaient pas voir auparavant.
Je l’avoue humblement, à l’annonce de la nomination de Jean Marc Ayrault et de la composition de son gouvernement j’ai eu quelques doutes : ce gouvernement aura-t-il une réelle capacité à porter le projet d’une transformation écologique et sociale pourtant si urgente. Et puis, en deuxième lecture, je reconnais avoir été rassuré de voir dans la composition et la répartition des mandats des signes intéressants. Ce gouvernement peut faire de grande chose en matière de transition.
Ma première analyse n'était, en effet, pas très enthousiaste. Parmi les 34 ministres, seulement deux sortis des rangs écologistes. Au delà, aucun porteur reconnu des enjeux d’un développement plus soutenable, mais une représentation toujours importante de représentants de la social-démocratie la plus classique... Pas de surprise, ni notre nouveau président, François Hollande, ni son Premier ministre ne sont connus pour être particulièrement sensibles à la cause écologiste. Certes Jean-Marc Ayrault peut se targuer d’un bilan très honorable dans sa ville de Nantes, mais dans ses responsabilités nationales il est rarement apparu porteur des ruptures nécessaires pour mettre la soutenabilité au cœur du projet de société. Disons que nos nouveaux dirigeants représentent cette catégorie d’acteurs politiques qui ne sont pas
« contre » l’écologie, mais pour lesquels ces enjeux n’apparaissent que très marginalement sur leur radar politique.
« contre » l’écologie, mais pour lesquels ces enjeux n’apparaissent que très marginalement sur leur radar politique.
Cependant, en y regardant de plus près, je me suis senti beaucoup plus rassuré. Et je pense sincèrement que nous pouvons attendre de vrais changements de cette nouvelle équipe. Tout d'abord, et c'est une véritable innovation, nous avons la parité totale : 17 femmes - 17 hommes. Je fais parti de ceux qui pensent que les femmes sont probablement plus sensibles aux préoccupations de long terme et plus attentives aux générations futures. Cette parité devrait donc nous aider à faire passer les messages. Nous avons aussi une bonne équipe de trentenaires, représentant une génération naturellement plus sensible et plus à même de prendre en compte les défis de la transformation à engager. Plus intéressant encore, nous n’avons qu’une petite minorité d’énarques, alors que l’ENA fournissait jusqu’à présent le gros des troupes gouvernementales. Reconnaissons que les effets de « formatage » de ce creuset ont certainement bridé la créativité de ceux qui tentaient de s’écarter du modèle traditionnel de production promu par cette école, modèle dans lequel le développement durable reste une préoccupation marginale.
OK, les grincheux souligneront que les hommes de plus de cinquante ans trustent, une fois encore, les plus plus hautes responsabilités. C’est en partie vrai ! Mais tout de même se sont bien des femmes et des jeunes qui occupent certains postes importants: la justice, la culture et de la communication, la réforme de l'Etat, le porte parolat, l’économie sociale et solidaire, le développement, le numérique, le logement et les territoires, et, ne boudons pas notre plaisir, l'environnement et le développement durable ... En regardant de plus près ces deux derniers ministères, je vois deux raisons supplémentaires de satisfaction.
Cécile Duflot, dynamique leader d’Europe Ecologie Les Verts, hérite d'un portefeuille novateur combinant la solidarité territoriale et le logement. Nous savons que la transition énergétique dépend, avant toute chose, d’un plan ambitieux d’économie d'énergie et que le bâti – notamment résidentiel - représente le principal gisement de ces économies. Le Président a annoncé un vaste programme de rénovation de 600.000 logements et il incombera à la Ministre de mettre en œuvre ce plan très ambitieux. Mais il est également primordial de repenser l'aménagement du territoire, pour lutter contre l’étalement urbain afin de minimiser les besoins de mobilité, pour réduire le trafic routier et la consommation de carburant. Cette évolution est essentielle pour faire émerger des territoires sobres en carbone. Ce devrait être une des mission de la solidarité territoriale que de repenser les logiques d'aménagement pour combiner efficacité écologique et solidarité. Rassembler dans un même portefeuille, les efforts du court et moyen terme en matière de consommation énergétique des bâtiments, et la planification à long terme pour remodeler les territoires est une approche très pertinente. Confier ce portefeuille à une écologiste reconnue est une garantie que le sujet sera traité avec sérieux.
Nicole Bricq, nouveau ministre du développement durable, n'est pas connue pour son parcours écologiste, même si elle est ces dernières années, montée en première ligne sur la question des gaz et huiles de schiste. Elle est plutôt spécialiste de la fiscalité, des questions budgétaires et des finances. C'est justement pour cela que son arrivée au développement durable est intéressante. Elle est probablement la mieux placée pour promouvoir de nouvelles règles économiques et faire de la fiscalité un véritable levier de changement des modes de production et des habitudes de consommation.
J'ai eu la chance de collaborer avec Nicole Bricq au sein du Pôle écologique du Parti socialiste. J’ai apprécié sa compréhension profonde des défis structurels qui doivent être pris en compte pour promouvoir un nouveau modèle de développement plus durable.
L’autre bonne nouvelle est que l'énergie relève bien de la responsabilité de Mme Bricq. Or, la problématique énergétique est une composante évidente de toute stratégie de développement durable. Le plus grand défi pour notre nouveau ministre sera de lancer le grand débat public sur l'avenir de l'énergie en France, débat promis par notre Président. C'est là que la réalité politique va demander toute l’expérience de Nicole Bricq. Dans un pays dominé de longue date, par le lobby nucléaire, il sera très difficile d’élargir ce débat aux enjeux énergétiques pris dans leur ensemble, et de ne pas s’enfermer dans un énième échange aussi vain qu’irritant entre pro et anti nucléaire. Gageons que le profil modéré de la ministre – au moins sur cette question – permettra de rassurer les protagonistes des positions les plus polarisées, permettant ainsi l’émergence d'un débat au fond, véritablement prospectif, pour façonner la politique énergétique dans laquelle la France devra s’engager dans les prochaines années. Car cette transition énergétique ne devra pas simplement être pensée avec rigueur, elle devra aussi faire l’objet d’une appropriation forte par la société dans son ensemble.
J'ai eu la chance de collaborer avec Nicole Bricq au sein du Pôle écologique du Parti socialiste. J’ai apprécié sa compréhension profonde des défis structurels qui doivent être pris en compte pour promouvoir un nouveau modèle de développement plus durable.
L’autre bonne nouvelle est que l'énergie relève bien de la responsabilité de Mme Bricq. Or, la problématique énergétique est une composante évidente de toute stratégie de développement durable. Le plus grand défi pour notre nouveau ministre sera de lancer le grand débat public sur l'avenir de l'énergie en France, débat promis par notre Président. C'est là que la réalité politique va demander toute l’expérience de Nicole Bricq. Dans un pays dominé de longue date, par le lobby nucléaire, il sera très difficile d’élargir ce débat aux enjeux énergétiques pris dans leur ensemble, et de ne pas s’enfermer dans un énième échange aussi vain qu’irritant entre pro et anti nucléaire. Gageons que le profil modéré de la ministre – au moins sur cette question – permettra de rassurer les protagonistes des positions les plus polarisées, permettant ainsi l’émergence d'un débat au fond, véritablement prospectif, pour façonner la politique énergétique dans laquelle la France devra s’engager dans les prochaines années. Car cette transition énergétique ne devra pas simplement être pensée avec rigueur, elle devra aussi faire l’objet d’une appropriation forte par la société dans son ensemble.
Donc, jusqu'ici, tout va bien Monsieur le Président ! Il semble bien que nous ayons la bonne configuration et les bonnes personnes en place, n’ont pas pour faire des coups d’éclat et des annonces tonitruantes, mais pour instituer les bases d'un véritable changement de long terme. C’est exactement ce dont notre pays a besoin. Au boulot !
Bruno Rebelle |
|
Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international |
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| Par Bruno REBELLE | Dimanche 26 Août 2012 à 17:39 | 0 commentaire