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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Mercredi 2 Novembre 2011 à 18:36 | 0 commentaire

A l’évidence, la catastrophe de Fukushima rebat les cartes de la politique énergétique. S’il peut paraître, pour certain, abominable de vouloir « tirer profit » du drame de Fukushima, c’est, à mon sens, de fermer les yeux sur cet événement majeur de l’histoire industrielle moderne qui serait condamnable.


Mesure de radioactivité sur les enfants de Fukushima
Mesure de radioactivité sur les enfants de Fukushima
Aussi, Eva Joly a raison d’inviter les autres candidats à la présidentielle à se rendre au Japon pour saisir les effets d’une telle catastrophe. En 2006, j’avais moi même fait le voyage de Tchernobyl pour le 20ème anniversaire de cette autre catastrophe. C’est au cœur de tels drames que l’on peut mesurer leurs conséquences multiformes, que l’on prend conscience des impacts à des échelles géographiques et temporelles difficile à imaginer quand on raisonne « rationnellement » les risques technologiques.

Il peut de la même façon paraître cynique de souligner que Fukushima vient à point nommé pour enrichir le débat politique français à la veille d’une échéance électorale majeure. Pourtant, la réalité politique est bien celle-là : c’est la structure industrielle du parc électronucléaire français qui imposera de décider, au cours de la prochaine mandature, ce que sera l’avenir de notre politique énergétique.

En effet, nos centrales nucléaires arrivent progressivement à la fin de la durée d’exploitation pour laquelle elles avaient été conçues et construites. Leurs mises à l’arrêt devraient donc s’étaler entre 2012 et 2040. Gouverner, c’est prévoir. Aussi, le prochain locataire de l’Elysée, qu’il le veuille ou non, devra présider à la décision de renouveler ce parc nucléaire ou de le remplacer par autre chose. En amont de cette décision, il serait irresponsable de faire l’économie d’une analyse approfondie des alternatives possibles au seul motif que la France serait le leader mondial du nucléaire. Trop de choses ont changées depuis l’initiation du programme électronucléaire français, et Fukushima n’est qu’un événement supplémentaire qui impose cette réflexion sur le fond.


Visite à Tchernobyl - Avril 2006
Visite à Tchernobyl - Avril 2006
En ouvrant ce débat, on entre alors dans la vraie Politique avec un grand P : Comment sécuriser notre approvisionnement et garantir l’accès de tous à l’énergie dont nous avons besoin chaque jour dans nos logements, nos déplacements, notre agriculture, nos industries et nos services ? Comment, dans le même temps, réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre pour faire face à l’enjeu climatique ? Comment faire de cette politique énergétique du futur, un levier de développement industriel et de création d’emplois ? Comment construire un consensus large dans la société sur le bon équilibre entre avantages et inconvénients des technologies proposées, parce que chaque option présente toujours des bons et des moins bons côtés ?

Ce questionnement devra intégrer une dimension essentielle en cette période de crise récurrente : quelle sera l’économie de cette nouvelle politique énergétique ? Les déclarations récentes sur le coût estimé de la sortie du nucléaire sont aussi farfelues que les affirmations sur l’intérêt économique du développement massif des renouvelables paraissent réductrices. Nous savons en revanche ce que coûte l’amélioration de la sécurité des centrales nucléaires – entre 600 millions et 1 milliards d’Euro par réacteur- ou la prolongation de vie des centrales les plus âgées. Nous mesurons les incertitudes sur de l’EPR, unité dite de nouvelle génération. En mettant bout à bout ces estimations on peut visualiser la facture du renouvellement du parc nucléaire. Le rapport récemment publié par Terra Nova parle de 30 à 35 milliards d’Euro qu’il faudrait mobiliser d’ici 2020 pour la seule prolongation de la durée des vies des centrales, mesure qui ne ferait que retarder la prise de décision incontournable sur le futur de la stratégie énergétique nationale.

Le débat politique, le vrai, devrait donc porter sur la meilleure utilisation possible des ressources de la collectivité nationale. On pourrait découvrir alors que le retour sur investissement est plus intéressant avec un autre choix que celui du renouvellement.

Le fait est que nous avons à opérer une transition entre un système conçu dans les années 60 et qui montre aujourd’hui de nombreuses limites et un système nouveau dont nous peinons encore à définir les contours précis. Il est surtout urgent de prendre le temps de la réflexion pour ne pas rater cette transition. D’une certaine façon, l’hypertrophie du parc nucléaire, nous donne ce temps, profitons-en…

Dans ce contexte je préfère renvoyer dos à dos Eva Joly qui voit dans la sortie du nucléaire en 2030 une condition incontournable à un accord de gouvernement et certains caciques du PS qui martèlent qu’il ne sera « pas possible de se passer de l’atome ». Il me semble plus essentiel que les partenaires de la Gauche, qui s’annoncent unanimement partisans de la conversion écologique et sociale de la société, se mettent d’accord sur les conditions de mise en débat de cette nouvelle politique énergétique. Il faudra un accord sur les moyens qui seront alloués afin que la décision politique s’appuie sur un débat citoyen suffisamment abouti pour constituer le socle d’un accord républicain fort permettant à notre pays d’assumer une politique énergétique cohérente avec les enjeux du XXIème siècle, et l’autorisant ainsi à promouvoir cette politique à l’échelle européenne et internationale. Faisons donc ce pari de l’intelligence collective, et beaucoup seront surpris de constater que les solutions du passé, comme la production électronucléaire, n’auront tout simplement plus leur place !

Bruno REBELLE

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