En remettant en cause le régime fiscal dérogatoire pour le diesel en France, la Cour des comptes met le gouvernement au pied du mur de la transition écologique.
Tribune publiée le mardi 5 mars sur Rue 89
L’analyse est limpide :
- d’une part, la défiscalisation du diesel constitue un manque à gagner de 7 à 8 milliards d’euros et encourage l’usage d’un carburant dont on connaît maintenant la nocivité pour l’environnement et la santé publique ;
- d’autre part, on apprend au passage que le malaise des raffineries françaises – et la faillite de Petroplus – vient du fait que nous produisons en France trop d’essence que nous ne consommons pas, et pas assez de diesel que nous devons importer, aggravant un peu plus notre déficit commercial ;
- enfin, l’industrie automobile française est très mal en point, notamment parce qu’elle n’a pas su anticiper les mutations qui s’annonçaient, autrement qu’en faisant du Fordisme à l’envers : délocalisant la production de véhicules peu chers vers des pays à main d’œuvre sous payée.
- d’une part, la défiscalisation du diesel constitue un manque à gagner de 7 à 8 milliards d’euros et encourage l’usage d’un carburant dont on connaît maintenant la nocivité pour l’environnement et la santé publique ;
- d’autre part, on apprend au passage que le malaise des raffineries françaises – et la faillite de Petroplus – vient du fait que nous produisons en France trop d’essence que nous ne consommons pas, et pas assez de diesel que nous devons importer, aggravant un peu plus notre déficit commercial ;
- enfin, l’industrie automobile française est très mal en point, notamment parce qu’elle n’a pas su anticiper les mutations qui s’annonçaient, autrement qu’en faisant du Fordisme à l’envers : délocalisant la production de véhicules peu chers vers des pays à main d’œuvre sous payée.
L’avenir est dans d’autres approches de la mobilité
Dans ce contexte, la déclaration de notre ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg (« attaquer le diesel, c’est attaquer le made in France, car nous sommes les meilleurs en diesel ») est vraiment pathétique.
Serions nous fiers d’être les champions du monde du cancer induit par les microparticules d’un parc auto majoritairement diésélisé du fait d’une politique fiscale iconoclaste ? Aurions nous déjà oublié les effets de l’amiante sur la santé des travailleurs et les comptes de la sécurité sociale ?
Nous aurions pu attendre d’un ministre en charge de l’avenir industriel qu’il regarde un peu au delà du col de sa chère marinière et qu’il engage avec les industriels du secteur une réflexion prospective sur l’avenir de la mobilité. Il aurait pu prendre exemple sur cet entrepreneur français qui depuis des années proposait un véhicule à usage urbain fonctionnant à l’air comprimé et qui a finalement trouvé preneur… en Inde.
Il pourrait s’inspirer du succès bien français de la Bluecar testée avec le système Autolib sur Paris et qui préfigure non seulement un autre modèle de véhicule, mais surtout une autre approche de la mobilité.
Nous pourrions espérer que le gouvernement saisisse l’opportunité du questionnement ouvert par la Cour des comptes pour impulser un processus concret de transition écologique et sociale appliqué à l’industrie automobile.
Dans ce contexte, la déclaration de notre ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg (« attaquer le diesel, c’est attaquer le made in France, car nous sommes les meilleurs en diesel ») est vraiment pathétique.
Serions nous fiers d’être les champions du monde du cancer induit par les microparticules d’un parc auto majoritairement diésélisé du fait d’une politique fiscale iconoclaste ? Aurions nous déjà oublié les effets de l’amiante sur la santé des travailleurs et les comptes de la sécurité sociale ?
Nous aurions pu attendre d’un ministre en charge de l’avenir industriel qu’il regarde un peu au delà du col de sa chère marinière et qu’il engage avec les industriels du secteur une réflexion prospective sur l’avenir de la mobilité. Il aurait pu prendre exemple sur cet entrepreneur français qui depuis des années proposait un véhicule à usage urbain fonctionnant à l’air comprimé et qui a finalement trouvé preneur… en Inde.
Il pourrait s’inspirer du succès bien français de la Bluecar testée avec le système Autolib sur Paris et qui préfigure non seulement un autre modèle de véhicule, mais surtout une autre approche de la mobilité.
Nous pourrions espérer que le gouvernement saisisse l’opportunité du questionnement ouvert par la Cour des comptes pour impulser un processus concret de transition écologique et sociale appliqué à l’industrie automobile.
Aider les ménages à se séparer de leurs vieux diesel
Ce processus nécessite de combiner des mesures de court terme pour impulser la mutation, et des propositions structurantes pour consolider le succès à long terme des opérateurs français de mobilité. A court terme, nous pourrions utiliser une part des recettes de la fiscalité diesel restaurée pour aider les ménages modestes à changer leur vieux diesel pour un modèle essence plus économe et moins polluant.
Une retour sur les hoquets du développement du solaire photovoltaïque s’impose ici. Nathalie Kosciusko-Morizet avait tordu le coup aux tarifs incitatifs au motif qu’ils finançaient les usines chinoises de panneaux solaires. Elle oubliait au passage que la valeur du panneau ne représente que 20 à 30% du coût de l’installation et que la plupart des emplois créés en France étaient des emplois de service (conception, ingénierie, maintenance…).
Sa décision a détruit plus de 12 000 emplois en quelques mois. Il ne faudrait pas que Montebourg refuse d’imaginer des aides à l’abandon des véhicules diesel au seul motif – comme il l’a déjà évoqué – que ces changements favoriseraient des véhicules bon marché produits hors de France. La mesure d’urgence, pour impulser le changement, devrait donc s’accompagner d’un engagement de l’industrie automobile à rapatrier en France la production de véhicules essence ou hybride, légers et économes.
Ce processus nécessite de combiner des mesures de court terme pour impulser la mutation, et des propositions structurantes pour consolider le succès à long terme des opérateurs français de mobilité. A court terme, nous pourrions utiliser une part des recettes de la fiscalité diesel restaurée pour aider les ménages modestes à changer leur vieux diesel pour un modèle essence plus économe et moins polluant.
Une retour sur les hoquets du développement du solaire photovoltaïque s’impose ici. Nathalie Kosciusko-Morizet avait tordu le coup aux tarifs incitatifs au motif qu’ils finançaient les usines chinoises de panneaux solaires. Elle oubliait au passage que la valeur du panneau ne représente que 20 à 30% du coût de l’installation et que la plupart des emplois créés en France étaient des emplois de service (conception, ingénierie, maintenance…).
Sa décision a détruit plus de 12 000 emplois en quelques mois. Il ne faudrait pas que Montebourg refuse d’imaginer des aides à l’abandon des véhicules diesel au seul motif – comme il l’a déjà évoqué – que ces changements favoriseraient des véhicules bon marché produits hors de France. La mesure d’urgence, pour impulser le changement, devrait donc s’accompagner d’un engagement de l’industrie automobile à rapatrier en France la production de véhicules essence ou hybride, légers et économes.
Demain, la voiture sera service
A long terme nous devrions nous attacher à développer les solutions de mobilité privilégiant l’économie de service – commercialisation d’une solution de mobilité – à la vente « classique » du véhicule. Il faudra alors proposer tous les accompagnements nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions fondées sur l’usage, la multi-modalité, le recours préférentiel aux transports collectifs. Les acteurs français des transports, de la distribution, de la connectique et de la communication seraient aux premières loges pour créer des emplois dans ces secteurs.
La nouveauté sera ici de ne pas focaliser sur les seuls emplois industriels de production de véhicules mais d’explorer toutes les pistes ouvertes par le développement de ces services.
Certes cette mutation aura un coût. Il pourrait être couvert en partie par la fiscalité diesel restaurée. Surtout ce coût devrait être mise en regard des coûts de l’inaction, ou pour reprendre le propos de notre Montebourg national, le coût de notre prétendue excellence française.
Que seront demain les dépenses de santé publique imposées par le traitement des pathologies respiratoires liées aux microparticules de diesel ? Que coûtera la prise en charge des chômeurs produits par une industrie automobile déclassée par l’évolution des services de mobilité ?
Il n’y a plus aucun doute, même pour le diesel, le changement c’est maintenant !
A long terme nous devrions nous attacher à développer les solutions de mobilité privilégiant l’économie de service – commercialisation d’une solution de mobilité – à la vente « classique » du véhicule. Il faudra alors proposer tous les accompagnements nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions fondées sur l’usage, la multi-modalité, le recours préférentiel aux transports collectifs. Les acteurs français des transports, de la distribution, de la connectique et de la communication seraient aux premières loges pour créer des emplois dans ces secteurs.
La nouveauté sera ici de ne pas focaliser sur les seuls emplois industriels de production de véhicules mais d’explorer toutes les pistes ouvertes par le développement de ces services.
Certes cette mutation aura un coût. Il pourrait être couvert en partie par la fiscalité diesel restaurée. Surtout ce coût devrait être mise en regard des coûts de l’inaction, ou pour reprendre le propos de notre Montebourg national, le coût de notre prétendue excellence française.
Que seront demain les dépenses de santé publique imposées par le traitement des pathologies respiratoires liées aux microparticules de diesel ? Que coûtera la prise en charge des chômeurs produits par une industrie automobile déclassée par l’évolution des services de mobilité ?
Il n’y a plus aucun doute, même pour le diesel, le changement c’est maintenant !
COMMENTAIRES COMPLEMENTAIRES
Cette tribune aura moins eu un impact : celui de générer de nombreuses réactions. Toutes les critiques sont recevables et bonnes à prendre. Il y en a cependant une que je récuse : celle réduisant mon propos à celui d'un bobo parisien.
J'assume mon statut d'écologiste CSP+. Je travaille à Paris et même si je vis de "l'autre coté du périphérique" je reconnais également que mon expérience quotidienne de la mobilité est bien celle d'un urbain. Mon expérience professionnel m'a cependant conduit à travailler dans des zones rurales et notamment à réfléchir aux enjeux de mobilité dans ces territoires. Aussi, je maintiens mon propos. Il faut abandonner le diesel et repenser la mobilité comme un service dans les grandes villes, dans les petites bourgades et dans les zones rurales.
Ce changement de paradigme en terme de mobilité devra associer des mesures d'aménagement du territoire, de réorganisation de l'urbanisation, de dynamisation du réseau ferroviaire de proximité et de développement de nouveaux services. Tout cela ne se fera pas en un jour bien sur. Il faudra 15 - 20 ans pour faire évoluer nos modes de déplacement et c'est bien pour cela qu'il faut engager cette mutation au plus vite.
Dans cette évolution il restera évidemment des véhicules individuels, notamment pour les menages vivant en zones rurales ou en grande banlieue, éloignés des services de mobilités qui se seront développés. Pour couvrir ces besoins, il faudra bien que nos industries se soient convertis à la production - en France évidemment - de voitures peu consommatrices et donc accessibles à l'achat même pour les ménages les plus modestes. Ce redéploiement industriel pourrait sauver les emplois que l'industrie automobile est en train actuellement de détruire. Enfin, puisque nous avons su mettre en place au nom des valeurs républicaines d'égalité et de solidarité la péréquation tarifaire en matière d'énergie, pourquoi ne pourrions nous pas imaginer une forme de "péréquation mobilité" compensant les dépenses de déplacement contraint de ceux qui habitent loin des services de mobilité.
Deux dernières remarques pour compléter mon propos. La première pour rappeler comme certains commentateurs l'on fait qu'il faut aussi travailler sur les transports de marchandises pour privilégier la voie ferrée ou la voie d'eau à la route et optimiser la (petite) part de transport qui restera sur la route. La seconde pour souligner surtout que cette mutation ne se fera pas en six mois mais en une décennie au moins. Nous avons beaucoup de mal à imaginer aujourd'hui le "pas de temps" sur lequel ces transformations devront s'opérer. Nous devons apprendre à nous adapter en anticipant au mieux les changements de comportements, l'évolution des règles, les transformations industrielles et l'accompagnement des mutations de compétences qui seront nécessaires.
C'est bien cette capacité à changer qui nous manque aujourd'hui... Et nous devrons apprendre vite, ou bien nous n'aurons d'autres choix que de nous enfoncer dans le chaos durablement !
Bruno Rebelle |
|
Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international |
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| Par Bruno REBELLE | Jeudi 7 Mars 2013 à 08:18 | 0 commentaire