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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Lundi 17 Décembre 2012 à 16:34 | 0 commentaire

La 2ème réunion du Conseil national du débat sur la transition énergétique qui s’est tenue le 13 décembre a permis d’apporter des précisions importantes sur les règles de conduite du débat. Mathieu Orphelin représentant la Fondation Nicolas Hulot l’a souligné : « Les choses avancent et nous en sommes satisfaits ! ». D’autres, en revanche, déclarent leur impatience d’entrer dans le « vif du sujet ». Je pense, pour ma part, que nous sommes déjà dans le débat. Les discussions compliquées sur la gouvernance ou le calendrier des travaux, ne sont en fait qu’une première illustration des confrontations de positions qui se préparent.
Deux faits alimentent cette observation.


Le débat sur la liste des experts.

Un groupe d’experts (composé d’une quarantaine de personnes : économistes, énergéticiens, climatologues et juristes) a été constitué pour répondre aux questions techniques formulées par le Conseil National du débat (CNDTE). Ce groupe devra, dans un premier temps, proposer une analyse rigoureuse des scénarios de transition énergétique disponibles et présenter deux ou trois visions différentes de ce que pourrait être l’avenir énergétique de notre pays.
Le Conseil a progressé en admettant qu’un expert neutre n’existe pas. Comme chacun d’entre nous, un expert est en effet emprunt d’une formation, d’une culture, d’une histoire, et d’un parcours qui oriente nécessairement ses perceptions et ses références. Dès lors, plutôt que de parler de neutralité, le CNDTE cherche à constituer une liste « équilibrée ».
Chacun fait alors ses propres calculs en recensant les experts proches de ses positions. Bien évidemment le comptage de la CGT, reste éloigné de celui que fait le Réseau pour la Transition Energétique, RTE nouveau nom en forme de clin d’œil du Comité de liaison des énergies renouvelables. Ces comptes d’apothicaires démontrent les craintes de ceux qui redoutent des analyses biaisées et les inquiétudes des autres qui attendent que leurs intérêts spécifiques ne soient pas oubliés. Mais ces polémiques ne nous mènerons pas très loin. D’une part, il nous faut faire confiance aux capacités d’analyse du Conseil national du débat. En effet, si cette assemblée ne peut rentrer dans le détail de l’analyse technique, gageons qu’elle saura repérer les incohérences, les jugements biaisés et les raccourcis fâcheux et qu’elle renverra les experts à leur copie s’ils fournissent un travail « orienté ». D’autre part, s’il est nécessaire de se border sur les mérites technologiques et économiques de telle ou telle option, il serait tout aussi important de s’intéresser à la sociologie du changement et aux ressorts psychologiques qui devront être activés pour encourager ce changement.
Plutôt que de compter les experts pro ou antinucléaires faisons donc plus de place aux sociologues. Car pour convaincre les françaises et les français que la transition énergétique est non seulement nécessaire mais qu’elle est souhaitable et qu’elle leur sera profitable, il va falloir comprendre ces ressorts du changement et saisir les logiques les plus adaptées pour les promouvoir.

Jeux d’acteurs
Le groupe de contact des entreprises de l’énergie
L’autre illustration de ce « débat avant le débat » concerne les difficultés rencontrées pour préciser les contours du « groupe de contact des entreprises de l’énergie ». L’instauration de ce groupe, en complément de la représentation des entreprises au Conseil national du débat sur la transition énergétique, a été demandée avec insistance par le MEDEF dès la clôture de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre. Depuis, les représentants des entreprises cherchent à configurer un dispositif qui réponde aux attentes de leurs mandants. L’objectif semble bien difficile à atteindre.
La proposition la plus judicieuse serait, il me semble, de ne mettre dans ce « groupe de contact » que les entreprises qui ont une responsabilité directe dans la fourniture des services de l’énergie aux consommateurs, qu’ils soient des particuliers, des institutions ou des entreprises. Ce groupe aurait alors deux composantes : d’un côté les producteurs, transporteurs, distributeurs, fournisseurs et stockeurs d’énergie ; de l’autre, les acteurs engagés dans la production d’équipement et de services contribuant à la maîtrise des consommations d’énergie par la sobriété ou l’efficacité. Ce groupe pourrait alors être sollicité pour commenter les propositions retenues par le Conseil national. Il aurait pour mission de dire ce qui est possible aujourd’hui, ce qui serait possible demain et qu’elles seraient les conséquences des propositions avancées en terme d’évolution de l’emploi, de besoin d’investissement et de prix des services de l’énergie rendu aux consommateurs.
Mon raisonnement est fondé sur une logique assez simple : ce sont ces entreprises là qui seront en première ligne pour mettre en œuvre la transition énergétique, c’est donc aussi à elles de dire comment elle peuvent concrétiser les ambitions collectives.
Mais cette proposition ne semble pas satisfaire le MEDEF qui souhaite, au contraire, mettre dans ce « groupe de contact » les entreprises qui produisent de l’énergie et celles qui en consomment… Dans cette approche, siègeraient ici toutes les entreprises ! Le MEDEF argumente ce choix en soulignant que l’énergie est stratégique pour toutes les entreprises et qu’il faut, absolument prendre en compte les plus grosses consommatrices (production d’aluminium, cimenterie, chimie,…). D’autres, dont je fais parti, voient dans cette argumentation une façon de peser sur le débat en présentant l’intérêt des entreprises comme un intérêt supérieur à celui des particuliers et plus généralement à celui de intérêt collectif qui intègre aussi les enjeux environnementaux, la solidarité sociale et la protection du pouvoir d’achat de tous.


Je vois derrière cette « tension » un réelle difficulté pour le MEDEF a proposé une représentation équilibrée des intérêts de tous ces membres. Une sorte de fracture apparaît dans le monde économique entre « les avantages pour tous et les inconvénients pour certains » de cette transition énergétique de plus en plus inéluctable. Les entreprises qui travaillent pour l’efficacité et la sobriété, celles qui développent des réseaux intelligents, celles qui font le pari des énergies renouvelables attendent de ce grand débat qu’il ouvre de nouvelles perspectives, qu’il montre que l’on peut accélérer les mutations pour une sortie par le haut de la triple crise – économique, sociale et écologique - qui mine notre société. Celles qui jusqu’à maintenant fournissaient de l’énergie sont confrontées par les incitations à la sobriété et à l’efficacité à un changement de paradigme qui deviendra de plus en plus réel avec le débat sur la transition énergétique.
On comprend mieux ainsi la difficulté du MEDEF à rassembler ces intérêts divergents. Pourtant, il faudra bien reconnaître ces attentes diverses pour les combiner dans le projet collectif que devra porter notre pays pour faire face aux enjeux incontournables auxquels nous sommes confrontés.

Sous-couvert de réglages des modes de fonctionnement, nous sommes bien entrés dans le débat… et c’est tant mieux.

Bruno REBELLE

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