Bien évidemment, on ne peut que se réjouir de l’adoption par le comité ISO d’une nouvelle norme qualifiant – enfin – ce que doivent être les engagements des entreprises en matière de responsabilité sociale, environnementale et plus largement « sociétale ». Bien sûr, cette nouvelle norme constituera une nouvelle incitation pour que ces entreprises regardent de plus près leurs pratiques, soient plus attentives à leurs impacts et engagent plus sérieusement la concertation avec leurs parties prenantes.
On peut cependant craindre que ce nouvel instrument ne change pas radicalement les pratiques industrielles – sur le fond. On peut craindre qu’il faudra plus que l’ISO 26000 pour engager la transformation écologique et sociale de l’économie, transformation pourtant plus qu’urgente. Mes inquiétudes sont nourries par trois types de constat.
Le premier constat s’appui sur l’expérience des normes précédentes. L’ISO 14001 qui qualifie les pratiques environnementales est maintenant largement répandue. Mais quand on regarde de près, on constate que cette norme permet de superviser tous les processus de production pour savoir exactement où existent des risques de pollution et quels sont les indicateurs qui doivent être surveillés pour savoir si l’entreprise polluent ou pas. Cette certification a donc « mis de l’ordre » dans les processus industriels. Elle permet aussi à l’entreprise de réagir plus vite et d’identifier les mesures correctives à mettre en œuvre pour éviter une nouvelle pollution quand un premier accident est constaté. Mais l’application, même rigoureuse, de cette norme ne change rien, à elle seule, aux prélèvements de ressources fossiles, à l’exploitation de ressources renouvelables au delà de leurs capacités de renouvellement, au rejet de polluants aux delà des capacités d’absorption de la biosphère. La norme ne dit rien non plus de la nature même du produit dont le processus de production est certifié. Ainsi, les centrales nucléaires sont effectivement certifiées ISO 14001, mais rien n’est dit sur la « soutenabilité » de la production de déchets nucléaires puisque cette problématique sort du périmètre de certification des unités de production électro nucléaires qui produisent pourtant également ces déchets…
Le deuxième constat procède de l’analyse rapide des principaux chapitres qui structureront cette nouvelle norme. Le texte n’est pas encore publié et il est donc délicat de faire des commentaires détaillés à ce stade. Cependant, le seul énoncé des « sept principes » de la responsabilité sociétale selon l’ISO 26000, surprend quelque peu.
Le premier principe porte sur la « responsabilité de rendre compte », quand le deuxième souligne la nécessité de « transparence ». On peut donc logiquement penser que la nécessité de rendre compte pourrait – en première intention – supporter le déficit de transparence… à tel point qu’il est nécessaire de préciser dans un deuxième principe cet impératif de transparence…
Le 5ème principe est encore plus surprenant : il souligne le « respect du principe de légalité » ! Il est toujours très surprenant de constater dans les codes de bonne conduite et dans les démarches volontaires à la responsabilité ces engagements à « respecter la loi »… comme si les entreprises devraient être congratulées pour avoir bien voulue accepter d’agir en conformité avec les règles, les lois et les normes du pays qui les accueille. Passe encore que les engagements volontaires soulignent la volonté des acteurs de respecter la loi. Mais comment peut accepter que le principe de légalité soit un des piliers d’une norme de cette envergure.
Nous attendrons d’avoir le détail du texte pour approfondir l’analyse mais admettons d’ors et déjà qu’il y a matière à préoccupation.
Notre troisième constat est plus inquiétant encore : il ne vous aura pas échapper que parmi les pays NON signataire on trouve, j’allais dire une fois encore, les Etats Unis. Comment peut-on espérer des inflexions significatives des pratiques industrielles des géants de l’économie américaine quand la première économie mondiale refuse de signer la Convention sur la biodiversité, le Protocole de Kyoto et maintenant la norme ISO 26000…
Il reste donc beaucoup à faire pour une transformation en profondeur des modes de production et nous devrons compter d’abords sur d’autres instruments que les normes ISO.
On peut cependant craindre que ce nouvel instrument ne change pas radicalement les pratiques industrielles – sur le fond. On peut craindre qu’il faudra plus que l’ISO 26000 pour engager la transformation écologique et sociale de l’économie, transformation pourtant plus qu’urgente. Mes inquiétudes sont nourries par trois types de constat.
Le premier constat s’appui sur l’expérience des normes précédentes. L’ISO 14001 qui qualifie les pratiques environnementales est maintenant largement répandue. Mais quand on regarde de près, on constate que cette norme permet de superviser tous les processus de production pour savoir exactement où existent des risques de pollution et quels sont les indicateurs qui doivent être surveillés pour savoir si l’entreprise polluent ou pas. Cette certification a donc « mis de l’ordre » dans les processus industriels. Elle permet aussi à l’entreprise de réagir plus vite et d’identifier les mesures correctives à mettre en œuvre pour éviter une nouvelle pollution quand un premier accident est constaté. Mais l’application, même rigoureuse, de cette norme ne change rien, à elle seule, aux prélèvements de ressources fossiles, à l’exploitation de ressources renouvelables au delà de leurs capacités de renouvellement, au rejet de polluants aux delà des capacités d’absorption de la biosphère. La norme ne dit rien non plus de la nature même du produit dont le processus de production est certifié. Ainsi, les centrales nucléaires sont effectivement certifiées ISO 14001, mais rien n’est dit sur la « soutenabilité » de la production de déchets nucléaires puisque cette problématique sort du périmètre de certification des unités de production électro nucléaires qui produisent pourtant également ces déchets…
Le deuxième constat procède de l’analyse rapide des principaux chapitres qui structureront cette nouvelle norme. Le texte n’est pas encore publié et il est donc délicat de faire des commentaires détaillés à ce stade. Cependant, le seul énoncé des « sept principes » de la responsabilité sociétale selon l’ISO 26000, surprend quelque peu.
Le premier principe porte sur la « responsabilité de rendre compte », quand le deuxième souligne la nécessité de « transparence ». On peut donc logiquement penser que la nécessité de rendre compte pourrait – en première intention – supporter le déficit de transparence… à tel point qu’il est nécessaire de préciser dans un deuxième principe cet impératif de transparence…
Le 5ème principe est encore plus surprenant : il souligne le « respect du principe de légalité » ! Il est toujours très surprenant de constater dans les codes de bonne conduite et dans les démarches volontaires à la responsabilité ces engagements à « respecter la loi »… comme si les entreprises devraient être congratulées pour avoir bien voulue accepter d’agir en conformité avec les règles, les lois et les normes du pays qui les accueille. Passe encore que les engagements volontaires soulignent la volonté des acteurs de respecter la loi. Mais comment peut accepter que le principe de légalité soit un des piliers d’une norme de cette envergure.
Nous attendrons d’avoir le détail du texte pour approfondir l’analyse mais admettons d’ors et déjà qu’il y a matière à préoccupation.
Notre troisième constat est plus inquiétant encore : il ne vous aura pas échapper que parmi les pays NON signataire on trouve, j’allais dire une fois encore, les Etats Unis. Comment peut-on espérer des inflexions significatives des pratiques industrielles des géants de l’économie américaine quand la première économie mondiale refuse de signer la Convention sur la biodiversité, le Protocole de Kyoto et maintenant la norme ISO 26000…
Il reste donc beaucoup à faire pour une transformation en profondeur des modes de production et nous devrons compter d’abords sur d’autres instruments que les normes ISO.
Bruno Rebelle |
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Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international |
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| Par Bruno Rebelle | Mercredi 22 Septembre 2010 à 17:40 | 0 commentaire