Le 15 février dernier, le Groupe Danone publiait ses résultats de l’année 2010. L’événement toujours très attendu par la communauté financière prenait cette année un relief nouveau : aux côtés des chiffres consolidés, devait être présenté un nouvel indicateur de l'empreinte carbone du groupe. J’ai eu l’honneur avec quelques bloggeurs de bénéficier, le 25 février, d’une présentation spéciale de ce qui nous était annoncé comme une innovation majeure, attestant de la « prise en compte des enjeux environnementaux au cœur de la stratégie du Groupe ». L’invitation précisait que cette annonce ne se positionnait pas comme la publication de quelques indicateurs supplémentaires, mais exprimait au contraire une « véritable conviction » que la valeur générée par l'entreprise ne peut plus être évaluée sur des paramètres uniquement économiques et financiers.
La « Directrice Générale Nature » du Groupe accompagnée de la « Directrice Financière Nature » nous a donc expliqué, avec force détails, la qualité et la profondeur de l’engagement de l’entreprise en matière de développement durable depuis le discours de d’Antoine Riboud annonçant en 1972 son « double projet » - réconcilier les hommes et la performance économique en respectant les limites de notre planète – jusqu’à l’adoption, en 2008, d’un plan d’action visant à réduire de 30% les émissions de GES.
La DG Nature était sur motivée. Elle pouvait afficher, avec une certaine fierté, des résultats très honorables : 22% de réduction sur la période 2008 – 2010. Plus impressionnant encore est la courbe de progrès qui atteste d’une mobilisation croissante : - 4 % en 2008, - 9 % en 2009, - 11 % en 2010. Cette progression laisse penser que la cible des 30% sera aisément atteinte fin 2011. Jusqu’ici tout va bien.
J’ai aussi été impressionné par la mobilisation d’envergure qui a permis au Groupe d’engager ces efforts. Chaque direction opérationnelle a maintenant son « Directeur nature ». Près de 1400 managers se sont vu assigner des objectifs concrets de réduction de CO2 et sont incités par un bonus indexé sur la réalisation de ces objectifs. On retrouve là le savoir faire Danone en matière de mobilisation des femmes et des hommes de l’entreprise. Ce premier volet du double projet d’Antoine Riboud semble bien avoir porté ses fruits.
J’ai également été intéressé par la rigueur de l’approche et le détail de l’analyse des chiffres présentés, appréciant en particulier la distinction des réductions découlant de changements du mix produit ou de variation des facteurs d’émission, de celles effectivement attribuables aux efforts spécifiques engagés par les « Danoners », comme ils s’appellent entre eux.
Mais… oui, je le regrette il y a un mais, j’avoue ne pas avoir été totalement séduit par l’approche générale proposée par le champion du yaourt et de l’eau en bouteille.
D’une part, il nous aura fallut attendre la fin de la présentation pour comprendre que l’engagement de réduction ne porte que sur le périmètre restreint de la responsabilité directe du Groupe, le fameux « scope 1 ». Reconnaissons pour autant que les responsables de ce reporting n’ont pas caché que ce périmètre ne représente que 45 % des émissions de l’ensemble. La réduction de 30% sur ce champ restreint ne signifie donc plus qu’un engagement global de 13,5 %... moins inspirant vous l’admettrez…
D’autre part, cet engagement reste exprimé en valeur relative. Le Groupe s’engage à réduire de 30% les émissions de GES sur son périmètre de responsabilité directe PAR UNITE de produit commercialisé. La directrice financière – fut elle directrice financière « Nature » - nous explique qu’il n’est pas possible de contraindre la croissance du Groupe, et donc pas possible de donner un objectif de valeur absolue. L’enthousiasme initial s’est éteint totalement… la croissance des volumes aura tôt fait d’effacer les réductions par unité.
Enfin et surtout, alors que je m’attendais à une véritable intégration de cette comptabilisation carbone dans le bilan financier de l’entreprise, nous n’avons eu droit qu’à une série d’explications, assez hasardeuses, sur la complexité des règles de comptage du carbone, sur l’absence de normes partagées entre les entreprises du secteur, sur la prétendue impossibilité d’une certification du bilan carbone et sur les risques d’une mise en équation économique du carbone. Dommage, vraiment dommage…
Dommage également de constater qu’aucune réflexion n’a été engagée, à ce jour, ni sur la valorisation économique des réductions de consommation d’énergie ou d’intrant, ni sur la possible compensation des émissions incompressibles, ni, enfin, sur le montage de projets éligibles au titre du mécanisme de développement propre du protocole de Kyoto pour encadrer les efforts louables de restauration de la mangrove financé par le Fonds « Danone pour la nature », effort dont, au passage, on comprend mal comment ils entrent en cohérence avec le plan annoncé de réduire de 30 % les émissions de GES.
Si les intentions sont louables, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que Danone puisse affirmer une véritable innovation en terme de comptabilisation de l’impact carbone de ses activités. Les travaux ne manquent pas dans la sphère universitaire et auprès des acteurs techniques, par exemple pour inscrire, au bilan de l’entreprise, l’impact (positif ou négatif) de l’évolution des pratiques agricoles pour produire le lait qui deviendra yaourt ou fromage blanc. Surtout on aurait pu attendre d’un grand groupe comme Danone qu’il joue pleinement son rôle de leader sur le secteur et qu’il prenne le risque d’être effectivement en avance sur ces concurrents…
Pour honorer le discours de 1972 du père, le fils, Frank Riboud, peut mieux faire… !!
La « Directrice Générale Nature » du Groupe accompagnée de la « Directrice Financière Nature » nous a donc expliqué, avec force détails, la qualité et la profondeur de l’engagement de l’entreprise en matière de développement durable depuis le discours de d’Antoine Riboud annonçant en 1972 son « double projet » - réconcilier les hommes et la performance économique en respectant les limites de notre planète – jusqu’à l’adoption, en 2008, d’un plan d’action visant à réduire de 30% les émissions de GES.
La DG Nature était sur motivée. Elle pouvait afficher, avec une certaine fierté, des résultats très honorables : 22% de réduction sur la période 2008 – 2010. Plus impressionnant encore est la courbe de progrès qui atteste d’une mobilisation croissante : - 4 % en 2008, - 9 % en 2009, - 11 % en 2010. Cette progression laisse penser que la cible des 30% sera aisément atteinte fin 2011. Jusqu’ici tout va bien.
J’ai aussi été impressionné par la mobilisation d’envergure qui a permis au Groupe d’engager ces efforts. Chaque direction opérationnelle a maintenant son « Directeur nature ». Près de 1400 managers se sont vu assigner des objectifs concrets de réduction de CO2 et sont incités par un bonus indexé sur la réalisation de ces objectifs. On retrouve là le savoir faire Danone en matière de mobilisation des femmes et des hommes de l’entreprise. Ce premier volet du double projet d’Antoine Riboud semble bien avoir porté ses fruits.
J’ai également été intéressé par la rigueur de l’approche et le détail de l’analyse des chiffres présentés, appréciant en particulier la distinction des réductions découlant de changements du mix produit ou de variation des facteurs d’émission, de celles effectivement attribuables aux efforts spécifiques engagés par les « Danoners », comme ils s’appellent entre eux.
Mais… oui, je le regrette il y a un mais, j’avoue ne pas avoir été totalement séduit par l’approche générale proposée par le champion du yaourt et de l’eau en bouteille.
D’une part, il nous aura fallut attendre la fin de la présentation pour comprendre que l’engagement de réduction ne porte que sur le périmètre restreint de la responsabilité directe du Groupe, le fameux « scope 1 ». Reconnaissons pour autant que les responsables de ce reporting n’ont pas caché que ce périmètre ne représente que 45 % des émissions de l’ensemble. La réduction de 30% sur ce champ restreint ne signifie donc plus qu’un engagement global de 13,5 %... moins inspirant vous l’admettrez…
D’autre part, cet engagement reste exprimé en valeur relative. Le Groupe s’engage à réduire de 30% les émissions de GES sur son périmètre de responsabilité directe PAR UNITE de produit commercialisé. La directrice financière – fut elle directrice financière « Nature » - nous explique qu’il n’est pas possible de contraindre la croissance du Groupe, et donc pas possible de donner un objectif de valeur absolue. L’enthousiasme initial s’est éteint totalement… la croissance des volumes aura tôt fait d’effacer les réductions par unité.
Enfin et surtout, alors que je m’attendais à une véritable intégration de cette comptabilisation carbone dans le bilan financier de l’entreprise, nous n’avons eu droit qu’à une série d’explications, assez hasardeuses, sur la complexité des règles de comptage du carbone, sur l’absence de normes partagées entre les entreprises du secteur, sur la prétendue impossibilité d’une certification du bilan carbone et sur les risques d’une mise en équation économique du carbone. Dommage, vraiment dommage…
Dommage également de constater qu’aucune réflexion n’a été engagée, à ce jour, ni sur la valorisation économique des réductions de consommation d’énergie ou d’intrant, ni sur la possible compensation des émissions incompressibles, ni, enfin, sur le montage de projets éligibles au titre du mécanisme de développement propre du protocole de Kyoto pour encadrer les efforts louables de restauration de la mangrove financé par le Fonds « Danone pour la nature », effort dont, au passage, on comprend mal comment ils entrent en cohérence avec le plan annoncé de réduire de 30 % les émissions de GES.
Si les intentions sont louables, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour que Danone puisse affirmer une véritable innovation en terme de comptabilisation de l’impact carbone de ses activités. Les travaux ne manquent pas dans la sphère universitaire et auprès des acteurs techniques, par exemple pour inscrire, au bilan de l’entreprise, l’impact (positif ou négatif) de l’évolution des pratiques agricoles pour produire le lait qui deviendra yaourt ou fromage blanc. Surtout on aurait pu attendre d’un grand groupe comme Danone qu’il joue pleinement son rôle de leader sur le secteur et qu’il prenne le risque d’être effectivement en avance sur ces concurrents…
Pour honorer le discours de 1972 du père, le fils, Frank Riboud, peut mieux faire… !!
Bruno Rebelle |
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Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international |
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| Par Bruno Rebelle | Mercredi 2 Mars 2011 à 08:27 | 0 commentaire