Tribune publiée dans La Croix le 8 avril dernier.
Il y a une leçon à retenir de la catastrophe de Fukushima : au delà d’un certain seuil, un accident dans une centrale nucléaire devient incontrôlable… quelque soit le fait générateur. Il serait grand temps que les promoteurs de l’atome reconnaissent cette évidence.
Si les trois grands accidents nucléaires de l’histoire – Three Miles Island, Tchnernobyl et Fukushima – ont des origines différentes, ils gardent un point commun incontestable : passé un certain stade de dégradation du système, les techniciens ne contrôlent plus le réacteur nucléaire, avec dans tous les cas des conséquences sanitaires, environnementales et économiques variables mais toujours dramatiques.
La deuxième leçon, ou plutôt la deuxième évidence, est que ces impacts sont toujours sous estimés et que la propagande martèle sans relâche que tout cela n’est pas très grave.
Ces deux composantes de la problématique nucléaire – technologie intrinsèquement incontrôlable et propagande supposée rassurante - sont en fait intimement liées. C’est bien parce que les plus grands promoteurs du nucléaire savent pertinemment que leur machine infernale peut devenir incontrôlable qu’ils tentent de se rassurer – et de rassurer par extension la société - en édictant en dogme l’absence de danger. On entend alors toutes sortes de sornettes : les rejets de l’usine de La Hague sont insignifiant par rapport à la radioactivité naturelle ; le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière ; les déchets nucléaires de la France entière tiennent dans une piscine olympique…
Cette communication ne résiste pas à l’examen des faits et c’est en cela qu’elle n’est que propagande. La Hague rejette des radioéléments toxiques totalement introuvables dans un milieu naturel sain. Rien ne devrait nous obliger à subir des radiations supplémentaires à la radioactivité naturelle, d’autant qu’on ne connait pas les risques de ces faibles doses. Le seul centre de la Manche qui stocke les déchets de moyenne activité qui ne sont qu’une fraction des déchets de nos centrales, est un « remblais » de 3 km sur 1,5 km, ce qui fait tout de même une très grande « piscine ». Et pour le nuage….
Mais surtout la propagande nous répète sans cesse qu’il n’y aurait pas d’alternative : c’est le nucléaire ou la bougie. Notre radioactif président l’a encore rappelé le 5 avril en pleine semaine du développement durable. Cette propagande est redoutablement efficace. De monsieur-tout-le-monde aux plus grands philosophes (M. Serre - JDD du 3 avril) chacun y va de son constat résigné : plutôt l’atome que la chandelle !
Pourtant les rapports très sérieux de l’AIE rappelle que le nucléaire ne représente que 4% de l’offre énergétique mondiale quand les renouvelables représentent déjà plus du double. Des scénarii produits par des acteurs aussi sérieux que l’Institut allemand DLR , équivalent du centre de prospective de la NASA américaine, pas vraiment suspect de subversion, démontre la possibilité technique et économique de subvenir aux besoins énergétiques européens (et donc français) en se passant du nucléaire ET en réduisant les émissions de CO2 pour maîtriser le changement climatique.
La seule question qui vaille est donc de savoir si nous acceptons de fonder notre approvisionnement en électricité sur une technologie dont la perte de contrôle est toujours possible, sachant que personne ne peut mesurer les conséquences sanitaires, environnementales et économique de cette perte de contrôle. Ou si, dans la recherche d’une alternative plus sûre, notre pays est prêt (enfin) à investir dans la sobriété et l’efficacité énergétiques et dans les solutions renouvelables. Les amoureux du progrès techniques seront ravis de cette orientation qui nécessite des trésors d’innovations scientifiques et de sophistications technologiques, assez éloignées de la simplicité polluante de la chandelle.
C’est ce débat qu’il faut ouvrir aujourd’hui, loin des dogmes et de la propagande d’hier, pour définir démocratiquement, ce que pourra être demain notre politique énergétique : une politique sûre aujourd’hui et sans regret pour les générations futures.
La deuxième leçon, ou plutôt la deuxième évidence, est que ces impacts sont toujours sous estimés et que la propagande martèle sans relâche que tout cela n’est pas très grave.
Ces deux composantes de la problématique nucléaire – technologie intrinsèquement incontrôlable et propagande supposée rassurante - sont en fait intimement liées. C’est bien parce que les plus grands promoteurs du nucléaire savent pertinemment que leur machine infernale peut devenir incontrôlable qu’ils tentent de se rassurer – et de rassurer par extension la société - en édictant en dogme l’absence de danger. On entend alors toutes sortes de sornettes : les rejets de l’usine de La Hague sont insignifiant par rapport à la radioactivité naturelle ; le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière ; les déchets nucléaires de la France entière tiennent dans une piscine olympique…
Cette communication ne résiste pas à l’examen des faits et c’est en cela qu’elle n’est que propagande. La Hague rejette des radioéléments toxiques totalement introuvables dans un milieu naturel sain. Rien ne devrait nous obliger à subir des radiations supplémentaires à la radioactivité naturelle, d’autant qu’on ne connait pas les risques de ces faibles doses. Le seul centre de la Manche qui stocke les déchets de moyenne activité qui ne sont qu’une fraction des déchets de nos centrales, est un « remblais » de 3 km sur 1,5 km, ce qui fait tout de même une très grande « piscine ». Et pour le nuage….
Mais surtout la propagande nous répète sans cesse qu’il n’y aurait pas d’alternative : c’est le nucléaire ou la bougie. Notre radioactif président l’a encore rappelé le 5 avril en pleine semaine du développement durable. Cette propagande est redoutablement efficace. De monsieur-tout-le-monde aux plus grands philosophes (M. Serre - JDD du 3 avril) chacun y va de son constat résigné : plutôt l’atome que la chandelle !
Pourtant les rapports très sérieux de l’AIE rappelle que le nucléaire ne représente que 4% de l’offre énergétique mondiale quand les renouvelables représentent déjà plus du double. Des scénarii produits par des acteurs aussi sérieux que l’Institut allemand DLR , équivalent du centre de prospective de la NASA américaine, pas vraiment suspect de subversion, démontre la possibilité technique et économique de subvenir aux besoins énergétiques européens (et donc français) en se passant du nucléaire ET en réduisant les émissions de CO2 pour maîtriser le changement climatique.
La seule question qui vaille est donc de savoir si nous acceptons de fonder notre approvisionnement en électricité sur une technologie dont la perte de contrôle est toujours possible, sachant que personne ne peut mesurer les conséquences sanitaires, environnementales et économique de cette perte de contrôle. Ou si, dans la recherche d’une alternative plus sûre, notre pays est prêt (enfin) à investir dans la sobriété et l’efficacité énergétiques et dans les solutions renouvelables. Les amoureux du progrès techniques seront ravis de cette orientation qui nécessite des trésors d’innovations scientifiques et de sophistications technologiques, assez éloignées de la simplicité polluante de la chandelle.
C’est ce débat qu’il faut ouvrir aujourd’hui, loin des dogmes et de la propagande d’hier, pour définir démocratiquement, ce que pourra être demain notre politique énergétique : une politique sûre aujourd’hui et sans regret pour les générations futures.
Par l’intermédiaire du ministère de l’Ecologie, le gouvernement appelle le grand public à changer de comportement à l’occasion de la Semaine du développement durable (1er au 7 avril). A juste titre, note Bruno Rebelle, ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international. Mais encore faudrait-il que l’Etat soit exemplaire pour être crédible, fustige-t-il…
Changer tout
Pour sortir de l’enchevêtrement complexe de crises – financière, sociale, écologique – dans lequel nos sociétés modernes se sont enlisées, tout le monde s’accorde pour dire qu’il est indispensable d’adopter, au plus vite, des modes de production et de consommation plus soutenables… Ainsi, en 2011 la semaine du développement durable, nous invite à « changer nos comportements »…
L’injonction est logique, pourtant elle me pose problème.
Certes, nous reconnaissons que chacun de nos actes quotidiens : logement, déplacements, consommation génèrent des impacts plus ou moins importants. Il nous appartient donc de choisir entre monter le chauffage et mettre un petit pull, entre aller chercher le pain à pied et faire un saut en voiture parce que « j’ai la flemme », entre me délecter de haricots verts du Kenya et me rabattre sur le nième gratin de patates de l’hiver !
Certes, j’admets que ces actes individuels mis bout à bout représentent près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Ils représentent aussi la plus grande part des impacts sur les ressources naturelles, la consommation d’eau, la production de déchets…
Mais j’avoue être fatigué de cet appel permanent à la responsabilité individuelle quand l’Etat est loin d’assumer ses propres responsabilités et quand les entreprises – pour la plupart – tardent à opérer la nécessaire transformation des modes de production.
Dans cet effort obligatoirement collectif, l’Etat devrait être exemplaire. Force est de constater qu’il en est loin. Que ce soit en matière d’énergie dans les bâtiments publics, de consommation de papier, de gestion des véhicules de service, l’Etat peine à mettre en œuvre ces « petits gestes » qu’il demande aux administrés. Mais surtout, comment pouvons nous nous y retrouver, face aux incohérences du gouvernement qui un jour clôture en grande pompe le Grenelle de l’environnement et quelques temps plus tard nous dit que « l’écologie ça suffit ! ». Comment répondre aux injonctions d’un Etat qui en 2007 prône le développement des énergies renouvelables et en 2010 torpille une filière solaire en plein essor. La liste de ces aller et retour est trop longue : agriculture biologique encensée un jour, oubliée le lendemain, fret ferroviaire présenté comme priorité dans les discours et démantelé dans les faits…
L’Etat pourrait aussi accélérer la mutation des pratiques commerciales et industrielles en donnant un cadre progressivement plus contraignant aux entreprises. Reconnaissons au moins aux acteurs économiques qu’ils savent prendre l’avantage dès l’instant où les règles sont connues. Finalement, la rigueur des règles qui leur sont imposées est secondaire, dès l’instant où la règle est commune à tous les acteurs. Sous cette contrainte les entreprises savent parfaitement proposer des biens et des services qui seront au final moins impactantes et qui permettront aux citoyens de faire des choix plus vertueux.
Ce cadre contraignant délimité par l’Etat et les moyens alloués peuvent aussi pousser les collectivités locales à organiser une forme d’aménagement du territoire et des services qui faciliteront les changements de comportement des citoyens. En effet, si les transports collectifs restent structurellement déficients, comment blâmer les citoyens de ne pas abandonner leur véhicule personnel !
Attention, je n’entends pas pour autant exonérer les individus de leur responsabilité au motif que tout devrait venir de l’Etat et des entreprises. Je pense effectivement que les citoyens doivent changer leur mode de consommation chaque fois qu’ils en ont la possibilité. Mais surtout, il me semble qu’il faut qu’ils changent leur regard sur la puissance publique, qu’ils exercent une pression plus régulière sur l’autorité, qu’ils dirigent leur indignation – expression à la mode – vers les décideurs en exigeant de ceux-ci qu’ils mettent enfin leurs actes en cohérence avec leurs discours. Voilà un changement de comportement qui aurait vraiment de l’impact !
Bruno Rebelle
Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international
Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable
http://www.developpementdurable.com/politique/2011/04/A5903/changer-tout.html
Changer tout
Pour sortir de l’enchevêtrement complexe de crises – financière, sociale, écologique – dans lequel nos sociétés modernes se sont enlisées, tout le monde s’accorde pour dire qu’il est indispensable d’adopter, au plus vite, des modes de production et de consommation plus soutenables… Ainsi, en 2011 la semaine du développement durable, nous invite à « changer nos comportements »…
L’injonction est logique, pourtant elle me pose problème.
Certes, nous reconnaissons que chacun de nos actes quotidiens : logement, déplacements, consommation génèrent des impacts plus ou moins importants. Il nous appartient donc de choisir entre monter le chauffage et mettre un petit pull, entre aller chercher le pain à pied et faire un saut en voiture parce que « j’ai la flemme », entre me délecter de haricots verts du Kenya et me rabattre sur le nième gratin de patates de l’hiver !
Certes, j’admets que ces actes individuels mis bout à bout représentent près de 70 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Ils représentent aussi la plus grande part des impacts sur les ressources naturelles, la consommation d’eau, la production de déchets…
Mais j’avoue être fatigué de cet appel permanent à la responsabilité individuelle quand l’Etat est loin d’assumer ses propres responsabilités et quand les entreprises – pour la plupart – tardent à opérer la nécessaire transformation des modes de production.
Dans cet effort obligatoirement collectif, l’Etat devrait être exemplaire. Force est de constater qu’il en est loin. Que ce soit en matière d’énergie dans les bâtiments publics, de consommation de papier, de gestion des véhicules de service, l’Etat peine à mettre en œuvre ces « petits gestes » qu’il demande aux administrés. Mais surtout, comment pouvons nous nous y retrouver, face aux incohérences du gouvernement qui un jour clôture en grande pompe le Grenelle de l’environnement et quelques temps plus tard nous dit que « l’écologie ça suffit ! ». Comment répondre aux injonctions d’un Etat qui en 2007 prône le développement des énergies renouvelables et en 2010 torpille une filière solaire en plein essor. La liste de ces aller et retour est trop longue : agriculture biologique encensée un jour, oubliée le lendemain, fret ferroviaire présenté comme priorité dans les discours et démantelé dans les faits…
L’Etat pourrait aussi accélérer la mutation des pratiques commerciales et industrielles en donnant un cadre progressivement plus contraignant aux entreprises. Reconnaissons au moins aux acteurs économiques qu’ils savent prendre l’avantage dès l’instant où les règles sont connues. Finalement, la rigueur des règles qui leur sont imposées est secondaire, dès l’instant où la règle est commune à tous les acteurs. Sous cette contrainte les entreprises savent parfaitement proposer des biens et des services qui seront au final moins impactantes et qui permettront aux citoyens de faire des choix plus vertueux.
Ce cadre contraignant délimité par l’Etat et les moyens alloués peuvent aussi pousser les collectivités locales à organiser une forme d’aménagement du territoire et des services qui faciliteront les changements de comportement des citoyens. En effet, si les transports collectifs restent structurellement déficients, comment blâmer les citoyens de ne pas abandonner leur véhicule personnel !
Attention, je n’entends pas pour autant exonérer les individus de leur responsabilité au motif que tout devrait venir de l’Etat et des entreprises. Je pense effectivement que les citoyens doivent changer leur mode de consommation chaque fois qu’ils en ont la possibilité. Mais surtout, il me semble qu’il faut qu’ils changent leur regard sur la puissance publique, qu’ils exercent une pression plus régulière sur l’autorité, qu’ils dirigent leur indignation – expression à la mode – vers les décideurs en exigeant de ceux-ci qu’ils mettent enfin leurs actes en cohérence avec leurs discours. Voilà un changement de comportement qui aurait vraiment de l’impact !
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| Par Bruno REBELLE | Jeudi 14 Avril 2011 à 23:03 | 1 commentaire